Restauration et inflation : 9 pistes pour optimiser vos coûts et réduire vos prix

En France, l'indice des prix à la consommation a connu une forte accélération en 2022, atteignant 5,2 % cette année-là, puis 4,9 % l'année suivante. Elle a ensuite beau ralentir en 2024 (2 %), le mal était fait et la hausse constante du coût de la vie a échaudé les consommateurs. Pour les restaurants, c'est devenu synonyme de clients qui les boudent parce qu'ils les jugent désormais trop chers. Voici donc les restaurateurs coincés entre le marteau et l'enclume avec, d'un côté, la montée du coût de l'énergie ainsi que des matières premières, et, de l'autre, une image d'activité accessoire dispendieuse au rapport satisfaction/prix discutable. Une situation ardue, mais loin d'être désespérée, preuve en est ces quelques conseils qui devraient vous permettre de proposer des prix compétitifs sans sacrifier à la qualité de service.
1. Faire la chasse au gaspillage d'énergie
Il s'agit du volet le plus facile à mettre en œuvre : passer en revue tout le circuit électrique de votre établissement et éliminer tout gaspillage. Cela se résume le plus souvent à éteindre ou débrancher tout appareil qui consommerait inutilement du courant : la lumière des toilettes qui reste allumée après la fermeture, les appareils réseaux qui fonctionnent 24h/24 sans raison valable, etc.
Pour donner un exemple, débrancher sa machine à café lorsqu'on ne s'en sert pas permet d'économiser 3 à 5 euros par an selon sa puissance. Cela n'a l'air de rien, mais entre la sonorisation, l'armoire de maintien au chaud, ou même le chargeur oublié sous le comptoir, qui restent branchés chaque nuit, les euros s'envolent. Les économies peuvent donc représenter jusqu'à 15 % de la facture d'électricité.
Pour vous faciliter la vie, vous pouvez vous inspirer de la domotique et programmer tant l'extinction que le démarrage de vos appareils par le biais de prises connectées. À défaut, les bonnes vieilles rallonges multiprises à interrupteur font également des merveilles avec un seul bouton pour les débrancher tous !
2. Simplifier sa carte
Offrir du choix, c'est bien, mais cela oblige à avoir du stock et à multiplier les process, choses qui ont un coût. Pour réduire vos prix, il va falloir utiliser vos ressources (matières premières, énergie et temps) de manière optimale, ce qui signifie réduire la variété des plats que vous proposez. Toute la difficulté résidera dans le fait d'apporter des adaptations pertinentes qui ne vont ni dénaturer votre cuisine, ni altérer votre plaisir de cuisiner.
Pour dégrossir votre carte, il faut vous recentrer sur ce que vous aimez et savez faire le mieux. N'oubliez pas également de compulser vos ventes pour savoir quels plats sont les plus populaires afin de tenir compte des préférences de vos clients.
Dans vos recettes ensuite, essayez d'uniformiser les ingrédients afin d'optimiser la préparation et les prix d'achat lorsque vous achèterez en gros chez vos fournisseurs. Évitez cependant de trop standardiser et faites jouer votre créativité pour que le travail dans l'assiette soit toujours visible : dressage, qualité de cuisson, ou encore accompagnement. Une trop grande rationalisation sera immédiatement perçue par le client qui aura alors l'impression de ne pas en avoir pour son argent.
3. Repenser les recettes
À partir de votre carte aplanie, revoyez vos recettes et réfléchissez à comment, d'une part, les simplifier pour gagner du temps en cuisine et, d'autre part, économiser sur le coût de la matière en remplaçant des ingrédients par des produits de substitution moins chers. Le tout sans rogner sur la satisfaction-client.
En gagnant du temps à la cuisson, vous économiserez de l'énergie. Ensuite, en changeant un ingrédient pour un autre, disons en remplaçant la crème fraîche par de la crème végétale ou encore le poulet par de la viande de dinde, vous ferez baisser le coût de revient de votre plat sans pour autant en changer drastiquement le goût ou la texture. De plus, en utilisant des ingrédients moins sensibles aux fluctuations des prix, ce subtil changement pourrait vous aider à mieux maîtriser vos coûts.
4. Revoir les portions
Il s'agit là de quelque chose de sensible tant pour le client que pour le restaurateur. Rééquilibrer ou non les portions de vos plats dépendra ainsi de votre générosité et de votre éthique. Néanmoins, les économies réalisées peuvent être pertinentes, si substantielles, en fait, qu'elles pourraient absorber à elles seules les effets de l'inflation. Vous pouvez, par exemple, mettre plus de sauce et de légumes dans un plat afin d'en réduire la quantité de viande. Ou encore mettre une petite chiffonnade de salade en guise de dressage au lieu de deux feuilles complètes.
Observez par ailleurs les retours d'assiettes en cuisine. Si vous remarquez que certains plats reviennent souvent avec les mêmes restes dessus, c'est soit parce que ce produit ne plait pas, soit parce que sa portion est trop importante. Dans les deux cas, réduisez-le, supprimez-le carrément de la recette ou proposez-le en supplément si vous ne souhaitez pas trop brusquer votre clientèle.
Attention, l'objectif ici n'est pas de tromper vos clients, mais bien de contrebalancer une hausse de prix (celui de la viande par exemple). Évitez donc d'aller jusqu'à la shrinkflation. De toute manière, vos clients ne seront pas dupes et le prendront sûrement mal.
5. Acheter local
Le transport fait partie des coûts incompressibles pour un restaurateur. Pour sûr, faire venir sa viande de 800 km coûte plus cher que d'aller la chercher soi-même à 3 ou 5 km. Pour améliorer ce coût, il vous faut donc revoir votre circuit d'approvisionnement en privilégiant le circuit court.
En achetant local, mais aussi de saison, non seulement vous allez réduire le coût de vos ingrédients, mais vous allez aussi faire un geste pour la planète. Un engagement que vous pouvez mettre en avant afin de séduire les consommateurs les plus écosensibles. En outre, en vous calant sur la saisonnalité des produits, vous adapterez automatiquement votre carte en fonction, chose qui amènera régulièrement du changement dans votre restaurant et plaira certainement aux habitués.
6. Optimiser ses opérations internes
L'efficacité opérationnelle est l'une des pierres d'achoppement pour réduire vos coûts. Si McDonald's, Burger King et consorts peuvent se permettre de sortir des menus à petits prix malgré la crise, c'est parce qu'ils maîtrisent leurs environnements de travail.
Tout commence par les fiches techniques (les recettes) qu'il faudra rédiger le plus clair possible (quantités exactes, méthodes de préparation, temps requis, etc.), images à l'appui si c'est faisable, et qu'il faudra afficher au-dessus des postes de travail de façon à ce que leur consultation se fasse sans les mains. Ensuite, standardisez les process pour éviter le gâchis (apprendre à couper et à découper comme il faut les produits pour réduire les pertes, par exemple).
Suivez de près les dates de péremption pour ne pas avoir à jeter inutilement des produits. Évitez aussi le surstock qui augmente les chances de voir des produits se périmer et travaillez plutôt en flux tendu si vous savez le faire (attention, le stress peut être important). Vous pouvez également mettre en place un suivi des produits jetés afin d'en connaître la quantité et l'origine pour ensuite ajuster les pratiques en conséquence.
Autre point : tâchez d'utiliser les appareils les plus énergivores uniquement quand c'est nécessaire et, si ce n'est pas déjà en place, pensez à préparer vos services en amont (couper les légumes, préparer les sauces et les marinades, etc.). Sinon, enfin, vous pouvez également vous inspirer du batch-cooking pour cuisiner sereinement et éviter les erreurs commises lors des coups de feu.
7. Bien choisir ses fournisseurs
À moins de posséder un champ, un jardin et une ferme, un restaurant sera toujours dépendant de ses fournisseurs. Établir des partenariats solides avec les vôtres est donc important, surtout si vous décidez de travailler en flux tendu.
Vos besoins en tête, commencez donc par faire un petit benchmark autour de vous, afin d'évaluer les prix du marché ainsi que les conditions de chaque fournisseur. Après avoir comparé les offres, négociez avec les fournisseurs sélectionnés en mettant en avant vos volumes d'achat et en soulignant bien les conditions comme les taux de perte acceptables ou encore les variations de prix et la régularité des livraisons. Pour bénéficier d'un taux plus avantageux, n'hésitez pas à négocier un tarif dégressif et même à mutualiser vos commandes avec celles d'autres restaurants.
Soyez aussi bon payeur. Comme dit plus haut, l'objectif est d'établir un partenariat solide, une relation de confiance, qui durera sur le long terme. Le jour venu, vous pourrez alors mieux négocier des ajustements de prix ou encore obtenir des délais de paiement.
8. Surveiller de près les principaux coûts du restaurant
Maîtriser les coûts implique de les connaître afin de pouvoir les analyser à tout moment. Il est donc important de suivre vos postes de dépenses et de mettre en place des indicateurs qui vous permettront de faire les bons choix. Concrètement, cela signifie surveiller différents points :
- Le coût des matières premières : le coût global de vos ingrédients ne devrait pas dépasser 35 % de votre chiffre d'affaires hors-taxe. Idéalement, il devrait tourner autour de 25 %.
- Le coût de la main-d'œuvre : votre charge salariale (salaire, charges sociales et avantages éventuels) ne devrait pas excéder 40 à 45 % de votre chiffre d'affaires hors-taxe. Idéalement, il devrait se situer aux alentours de 30 %.
- Les charges d'exploitation : le loyer, les assurances, l'énergie et les coûts d'entretien doivent rester en dessous des 10% de votre chiffre d'affaires hors-taxe. Plus ce taux sera bas, mieux ce sera.
- Les coûts annexes : publicité, impressions, site internet, mais aussi emballages et boîtes à emporter, tous ces petits investissements grèvent votre chiffre d'affaires et doivent être surveillés. Il n'y a pas de ratio idéal ici, mais le mieux, pour optimiser vos coûts, est évidemment de limiter ces dépenses.
- La rotation de stock : nous l'avons vu, une gestion efficace des stocks est essentielle pour minimiser le gaspillage et les pertes. Réaliser des inventaires réguliers et ajuster les commandes en fonction de la demande réelle aide à maintenir les coûts sous contrôle.
D'autres indicateurs vous seront également utiles pour piloter finement votre activité : le taux de rentabilité de chaque élément de votre carte, les plats et boissons les plus populaires, le taux de remplissage quotidien de votre restaurant, votre chiffre d'affaires journalier, le ticket moyen, etc. Tous vous permettront d'identifier des points d'amélioration ou de nouvelles habitudes à mettre en place afin d'arranger votre situation. Par exemple, si vous constatez que les ventes de boissons stagnent à un niveau bas, peut-être est-ce parce que les serveurs n'en proposent pas systématiquement ?
Pour être efficace, il est plus que conseillé de s'équiper de logiciels spécialisés pour suivre tous ces indicateurs. Il en existe des gratuits intégrant tous les aspects de la restauration depuis la gestion de la caisse et de la salle à celui du stock, en passant par la préparation en cuisine et la comptabilité. Ils peuvent alors calculer tous ces ratios automatiquement et les présenter dans un tableau de bord. Sinon, les tableurs fonctionnent tout aussi bien, quand ce n'est pas le cahier et la machine à calculer.
9. Ajuster stratégiquement ses prix
Si, après avoir exploré toutes ces pistes, il s'avère que vous n'avez toujours pas d'autre choix que d'augmenter vos prix pour rester rentable, ne le faites pas n'importe comment. Il est essentiel d'agir avec tact afin de ne pas décourager la clientèle et pour ce faire, il faut tout miser sur la transparence.
Communiquez clairement sur les raisons de vos ajustements de prix en les motivant. Rien de compliqué : écrivez simplement sur une jolie affiche qu'en période d'inflation, un ajustement des prix est souvent inévitable, mais que vous mettez déjà tout en œuvre pour impacter le moins possible vos clients. Ces derniers se sentiront ainsi impliqués et cela favorisera leur compréhension. À ne surtout pas faire : les laisser découvrir la hausse en lisant votre carte, une fois assis, ou pire, lors de la présentation de l'addition. Ils auront l'impression d'être pris en otage ou d'avoir été floués, bref, des sentiments négatifs qui vont avoir un impact tout aussi négatif sur leur fidélité.
La stratégie pour augmenter les prix en restauration est d'étaler l'opération dans le temps : pas plus de 2 % d'augmentation à chaque fois, 2 à 4 fois dans l'année. Ce n'est cependant pas une règle figée et vous seul connaissez vos clients. À vous donc de déterminer jusqu'où vous pouvez aller. Avant de procéder à des ajustements toutefois, pensez à faire un benchmark des prix proposés par vos concurrents afin de rester compétitif.
Pour finir, gardez en tête que vous n'êtes pas obligé d'augmenter tous vos prix, choisissez stratégiquement. Et dites-vous que si la hausse est justifiée, sans que ni la qualité ni la quantité ne se dégrade, beaucoup estimeront qu'elle est légitime.