L'étonnante histoire de la bière, un breuvage apprécié depuis des millénaires
Il est des choses dans la vie que l'on fait sans y penser tant elles nous semblent banales et coutumières. Boire une bière fait partie de celles-ci. Pourtant, si l'on est un tant soit peu curieux, il est possible de se poser quelques questions à son sujet. Par exemple, depuis quand la fabrique-t-on ? D'où est-elle originaire ? Et, non, ce n'est ni d'Alsace, ni du nord de la France, ni même d'Allemagne. Vous êtes curieux et voulez en savoir plus ? Suivez le guide…
Fabriquer sa bière, une histoire de famille depuis des siècles
Aujourd'hui, nous sommes habitués à acheter notre bière au supermarché, pasteurisée et standardisée, ou à la pression, bien fraîche dans un débit de boissons. Nous savons aussi qu'elle fut fabriquée, avant cela, dans des abbayes. Mais dans la grande majorité des cas, c'était auparavant une histoire familiale. La bière était brassée à la maison.
Rien d'étonnant, donc, à ce que nous remettions un peu cette tradition au goût du jour, puisqu'il est de plus en plus courant et facile de faire sa bière soi-même, de façon bien plus aisée qu'autrefois, avec des kits vraiment faciles à utiliser. Mais laissez-nous vous conter la naissance de ce doux breuvage et son évolution au cours des siècles.
Il était une fois la bière… 4 000 ans avant notre ère
Il est en fait difficile de dater précisément les origines de la bière, mais les premières traces écrites de cette boisson remontent à l'époque mésopotamienne, soit environ 4 000 ans av. J.-C., et la situent au Moyen-Orient. Sa fabrication est certainement plus ou moins due au hasard, coïncidant avec le commencement de la culture des céréales. En effet, c'est de ces céréales bouillies et fermentées, peut-être par oubli, que la bière est née. Il est intéressant de voir que cette boisson fermentée à base de grains est apparue dans différents points du globe de façon parfois indépendante.
Appelée "Sikaru" en Égypte, son existence y est également confirmée par son inscription sur des tablettes d'argile. Breuvage des Dieux et des Pharaons, elle était fabriquée par des femmes à partir d'orge et de l'eau sacrée du Nil. Puis, étonnamment, elle devient la boisson du peuple, pouvant même servir de salaire.
En Chine, des archéologues ont mis à jour une brasserie datant de plus de 3 000 ans avant J.-C. Il est par ailleurs fait mention, à l'époque de la Dynastie Chang, d'une boisson à base de riz, aromatisée avec du miel et des fruits.
Dans la Grèce antique, la bière est un remède médicinal, mais les Grecs, tout comme les Romains, n'en apprécient pas la valeur gustative, lui préférant le vin.
Les Gaulois et les Celtes, quant à eux, prêtent à la bière (Cervoise) des vertus magiques, tout en la consommant dans la vie quotidienne. Ils y ajoutent facilement du miel et des épices. Ils sont à l'origine de la mise en tonneaux du breuvage, ce qui permet de stabiliser un tant soit peu la fermentation. Ici encore, la fabrication est confiée, au sein des foyers, aux femmes.
L'apparition du houblon dans la fabrication de la bière
Ce n'est qu'au Moyen Âge que le houblon est apparu dans la confection de la bière, accompagné de son inimitable amertume. Durant toute cette période, la bière est surtout appréciée dans le nord de la France, la Belgique, l'Allemagne et les pays anglo-saxons.
Alors qu'elle était brassée au sein du foyer pour un usage familial, elle devient à cette époque l'affaire des moines ! Légende ou fait historique, on dit que ce fut le roi Dagobert qui, au début du VIIe siècle, aurait créé la première abbaye pour y fabriquer la cervoise. Serait-ce pour cela qu'ensuite, après ses visites dans ces lieux peut-être, il mettait sa culotte à l'envers ? Le mystère reste entier. Quoi qu'il en soit, c'est pour cela qu'encore aujourd'hui, certaines bières prestigieuses portent le nom d'abbayes.
C'est une femme, l'abbesse Hildegarde von Bingen, que nous devons l'apport du houblon dans la confection de la bière. Elle lui a découvert des vertus antiseptiques et s'était aperçu qu'il permettait une meilleure conservation.
Charlemagne cadre la fabrication de ce qui devient la bière
C'est Charlemagne qui entreprend de formaliser le brassage de la bière, allant jusqu'à préciser, par édit royal, que « chaque métairie royale, chaque monastère doit posséder une brasserie ». Une charte est alors créée, stipulant que la fabrication de la bière doit être confiée aux moines et que sa qualité sera contrôlée par des inspecteurs itinérants. Apparaissent également des moulins de concassage du malt.
Prenant conscience du potentiel financier de la bière, les autorités la fiscalisent dès 1495 tout en réglementant sa fabrication, réservée exclusivement aux "Maîtres Brasseurs" qui doivent utiliser uniquement « graine, eau et houblon ». Soit dit en passant, il existe désormais une version moderne à base d'eau de mer !
Le mot « bière » apparaît dès le XVe siècle.
De la Révolution française à la Révolution industrielle
En 1789, la chute de la monarchie entraîne celle des privilèges. Les corporations sont abolies et les biens des abbayes démantelés. Les brasseries laïques leur succèdent, disparaissant au gré des guerres et des crises économiques. Lorsqu'il n'y a plus assez de céréales pour le pain du peuple, il ne peut y en avoir pour la bière, qui redevient une boisson de luxe.
En 1857, une nouvelle révolution a lieu pour la bière : la pasteurisation, que l'on doit à Louis Pasteur. Sa découverte des levures qu'elle contient lui permet de mettre en place un protocole de stérilisation par la chauffe qui stabilise la boisson, favorisant ainsi sa conservation. Puis, en 1859, Ferdinand Carré invente le froid industriel, qui permet aux brasseries de disposer de glace toute l'année.
Le nouvel essor contemporain de la bière
La stabilisation de la boisson, une production rendue possible tout au long de l'année, sa mise en bouteille à grande échelle et les nouveaux modes de transport permettent donc, à partir de la moitié du XIXe siècle, une commercialisation à plus grande échelle, plus éloignée de ses lieux de production. Grâce à la pasteurisation et l'embouteillage, son goût est stabilisé. De nouvelles saveurs sont expérimentées, son amertume est légèrement gommée.
Malgré cela, elle connaît un fort déclin au début du XXe siècle. De 2 827 brasseries en France (dont 1 929 pour le seul nord du pays) en 1910, leur nombre passe à 919 après la Première Guerre mondiale. En 1976, il n'en reste plus que 23.
Néanmoins, les brasseries restantes ont une capacité telle qu'au XXIe siècle, elle n'a jamais été autant consommée. Elle est désormais fabriquée, distribuée et appréciée dans le monde entier. Elle est synonyme de fraîcheur durant les chauds mois d'été, évoquant la détente et la convivialité en tout temps. Les saveurs les plus improbables, comme la bière au goût pizza, sont par ailleurs expérimentées.
Et, ce qui est amusant, c'est qu'au-delà d'une production hautement automatisée et de la standardisation et la production à grande, voire très grande échelle, une nouvelle tendance se dessine, qui renoue avec ses origines : la fabrication chez soi, qui relève du loisir et du pur plaisir. Il se développe en parallèle de plus en plus de microbrasseries. Comme une réponse au gigantisme des plus gros brasseurs.