Soupe pho : tout le Vietnam dans un bol

Quiconque veut être gustativement transporté au Vietnam n'a qu'à déguster une soupe pho. Adopté de longue date dans l'Hexagone, ce mets emblématique aux saveurs riches et exotiques ravit autant les papilles que l'imagination. Si vous souhaitez connaître l'histoire et les mystères de ce célèbre plat, suivez le guide.
Soupe pho : tout le Vietnam dans un bol

Le succès de la cuisine vietnamienne en France n'est plus à démontrer et les restaurants asiatiques ont fleuri un peu partout. Savoureuse et variée, elle fait partie intégrante de notre paysage gastronomique. La soupe pho (prononcez "feu") est l'un des plats emblématiques que nous aimons voir arriver sur notre table lors d'un repas dans un restaurant viet. Mais que savez-vous d'elle ? Voici dévoilés pour vous les mystères de ce plat typique du Pays du dragon.

La soupe pho, entre légende et réalité historique

L'apparition de la soupe pho dans la cuisine vietnamienne remonte à la fin du XIXe siècle. Beaucoup l'attribuent à un mariage entre cuisine locale et cuisine coloniale, le Vietnam étant alors sous domination française. Selon la légende, les Vietnamiens auraient adapté la recette du pot-au-feu à leur goût, mêlant ainsi le meilleur de la cuisine des deux pays. Raison pour laquelle on l'appelle parfois « le pot-au-feu tonkinois ». Cette histoire est probablement vraie, bien que rien ne la confirme formellement.

Ingrédients de base et variantes géographiques

Les ingrédients incontournables d'une soupe pho traditionnelle comprennent du bouillon, des nouilles de riz, de la viande, des épices et des fines herbes. Mais selon les régions, la viande, les épices et les herbes seront différentes. Même la cuisson des pâtes peut varier.

Du côté des herbes, la coriandre et la ciboulette constituent la base, comme la cannelle, la cardamome, le gingembre et l'anis pour les épices. L'oignon et l'ail sont également au menu.

Il existe aujourd'hui de nombreuses variantes, qui découlent toutes, à l'origine, du pho du Nord, à base de bœuf émincé, et du pho du Sud, à base de poulet lui aussi émincé. Au Nord, le pho est moins épicé, avec seulement de la coriandre, des oignons et du piment frais. Au Sud, la soupe comportera plus d'herbes (basilic, ciboulette…) et des haricots mungo (aussi appelés germes de soja) notamment.

La soupe pho, un mets transformé, enrichi, mais résistant

Le pho est synonyme de résistance comme de résilience. La recette s'est modifiée pour s'adapter aux contextes. Ainsi, le bœuf n'est pas entré directement dans sa composition, l'animal servant exclusivement à tracter. Durant l'occupation communiste, il a été interdit, mais circulait clandestinement. Durant les pénuries de viande, il a eu sa variante végétarienne même si, par définition, c'est un plat carné. C'est ainsi que la célèbre soupe est parvenue jusqu'à nous, pour livrer ses saveurs enrichies, si savoureuses et raffinées.

Préparer une soupe pho : tout un art

Les restaurants de style vietnamien en font de savoureuses. Mais si vous souhaitez vraiment vous mettre à cuisiner une soupe pho, alors, armez-vous de patience, car il requiert un long mijotage. De quoi avoir le temps de préparer quelques nems au crabe dans l'intervalle.

La base d'une soupe pho et ce qui en fait la qualité, c'est le bouillon. Celui-ci est élaboré à partir de bœuf (jarret, os à moelle) ou de poulet cuit à feu doux durant 4 à 6 heures, avec de la badiane, de la cannelle, du gingembre, de la cardamome et de l'oignon grillé.

Il convient ensuite de préparer les ingrédients qui seront disposés rituellement dans le bol : les nouilles de riz et la viande coupée en fines tranches (macreuse, poitrine, rumsteck cru, par exemple) et éventuellement des boulettes de bœuf. La soupe se prépare aussi avec du poulet si vous préférez la volaille.

soupe pho

Le rituel de dégustation du pho

Le pho est devenu un symbole de la convivialité au Vietnam. Il se déguste en famille, au restaurant et même devant les nombreuses échoppes spécialisées qui parsèment les rues. Initialement destiné au petit-déjeuner, le pho est désormais apprécié à tout moment de la journée.

Le rituel commence dès la composition du bol, dans lequel les vermicelles sont disposés, recevant de minces tranches de viande crue ou cuite, puis les herbes et l'oignon. Le bouillon recouvre ensuite le tout.

Ainsi préparée, la soupe est servie aux convives, accompagnée traditionnellement de quartiers de citron vert ou de kumquat, de piment frais ou de sauce piquante. Du basilic peut également être ajouté. Le pho se déguste avec des baguettes et une cuillère pour le bouillon. Les Vietnamiens consomment leur soupe très chaude et très rapidement afin que les nouilles n'aient pas le temps de gonfler.

Le pho revêt une importance culturelle primordiale pour les Vietnamiens, à tel point que lorsqu'ils reviennent dans leur pays après un long voyage, un rituel officieux veut que la première nourriture qu'ils consomment soit cette soupe.

Symbole familial et culturel

Au Vietnam, préparer le pho est un rituel matinal : dès l'aube, le bouillon mijote, emplissant les rues d'un parfum envoûtant. Dans les échoppes, le montage du bol – nouilles, viande, herbes, bouillon brûlant – est un ballet rapide regardé avec impatience. À Hanoï comme à Saigon, chacun personnalise ensuite son pho, ajoutant citron, piment ou basilic pour faire de son bol une œuvre unique, dégusté ensuite sur le tabouret bancal d'un restaurant de rue ou à la table familiale, dans un éclat de rire ou un silence complice.

Plus qu'un repas, le pho est un lien vivant entre générations. Dans les familles vietnamiennes, la recette du bouillon, parfois secrète, se transmet de grand-mère à petit-fils, chaque foyer y ajoutant sa touche : un zeste d'anis ou une coupe de viande fétiche. Réconfortant, le pho est aussi un remède traditionnel, servi bien chaud pour apaiser les maux.

Lors du Têt, le Nouvel An lunaire vietnamien où l'on célèbre les ancêtres en famille, ou d'un retour au pays après un long voyage, s'asseoir autour d'un bol fumant est un rituel de retrouvailles, où les souvenirs d'enfance et l'esprit de résilience s'entremêlent.

Dans les communautés vietnamiennes à l'étranger (comme à Paris, dans le 13e arrondissement) le pho est un symbole d'identité culturelle. Les familles le préparent pour transmettre la tradition aux enfants nés hors du Vietnam, renforçant son rôle familial. Il incarne aussi la nostalgie vietnamienne, jusque sur les écrans de cinéma ("L'odeur de la papaye verte" de Tran Anh Hùng, 1993).

En lice pour l'UNESCO, le pho est bien plus qu'une soupe : c'est un patrimoine vivant. Preuve s'il en est de la consécration de ce petit bol de soupe pas si simple que ça, le 12 décembre célèbre depuis 2017 la Journée du Pho, vibrant hommage à l'amour des Vietnamiens pour leur plat national.

Publié le 26/05/2025

Ça pourrait aussi vous intéresser

L'actualité de la restauration

Lecture gourmande