Les sushis ont-ils leur place sur les buffets chinois ?
La cuisine a cela de fantastique qu'elle ouvre les frontières. Pour autant, en matière de gastronomie, le mélange des genres n'est pas toujours bien vu. Il est suspect de voir un pizzaiolo proposer du couscous, tout comme il est incongru pour une crêperie de mettre de la choucroute à son menu. Depuis peu, ce sont les sushis qui ont fait leur apparition dans les restaurants chinois.
Enfin, quand je parle de restaurants... Le bon petit resto chinois aux plats authentiques est devenu une rareté. La mode est aux buffets à volonté, bien souvent des halls de gare proposant du réchauffé. Et c'est dans ces établissements plus proches du fast-food que les petites bouchées au poisson ont été adoptées.
Rappelons que le terme "sushis" regroupe un ensemble de spécialités japonaises à base de riz et de poisson cru. D'où notre question : que font ces mets nippons sur des tables soi-disant chinoises ? Quand on sait que 70% des restaurants japonais sont tenus par des Chinois, rien de bien étonnant finalement à ce que le sushi fasse le voyage dans l'autre sens. La boucle est ainsi bouclée.
Seulement voilà, le sushi est un plat très délicat, qui demande un grand savoir-faire. On dit qu'il faut plusieurs années à un cuisinier pour devenir "maître sushi". Connaissance des poissons, cuisson du riz, sens de la découpe, façonnage des nigiri... On ne devient pas sushiman du jour au lendemain. Alors difficile d'imaginer qu'un tel expert ait été recruté pour fabriquer quelques pièces, perdues au milieu des nems, bœuf aux oignons, porc au caramel et riz cantonnais.
D'ailleurs, il suffit d'oser mordre dans un sushi de buffet pour s'en rendre compte : la qualité est rarement au rendez-vous. Évidemment, vu l'énorme succès actuel des sushis et l'engouement pour les buffets à volonté, il fallait s'attendre à un mariage de raison. C'est comme si les pizzérias, toujours très populaires, se mettaient à vendre des hamburgers, dont le marché a explosé. C'est une bonne idée marketing, mais ça peut choquer les puristes.
Ou alors, il faut accepter de s'ouvrir à une plus grande diversité culinaire. Après tout, il y a déjà belle lurette que les restos chinois proposent une cuisine également thaïlandaise, vietnamienne et cambodgienne. L'Européen fait rarement la distinction. L'arrivée du sushi sur les buffets chinois pourrait donc être prise comme un élargissement à la culture asiatique. Une discrète incursion des traditions japonaises sur les tables au style oriental. Une migration des saveurs, pour une découverte plus complète de ces recettes venues d'ailleurs. Si les clients s'ouvrent ainsi l'esprit autant que l'appétit, c'est l'essentiel.